0

L’enquête ANRS-Parcours a étudié le parcours de vie des personnes migrantes d’Afrique subsaharienne vivant en Ile-de-France. Elle indique que les violences sexuelles subies sur le territoire français par les femmes migrantes multiplient par quatre leur risque d’infection par le VIH. Les résultats de cette étude menée par Julie Pannetier, Annabel Desgrées du Loû, chercheuses au sein d’une équipe de recherche Inserm du Ceped (IRD, Université Paris Descartes), mettent en évidence l’association entre précarité administrative, conditions de vie, violences sexuelles et infection par le VIH chez les femmes d’Afrique subsaharienne ayant migré en France, explique l’ANRS. Concrètement, le fait de ne pas avoir de logement stable ou de titre de séjour augmente le risque de rapports forcés. Ces résultats font l’objet d’une publication dans le premier numéro de l’année 2018 de la revue The Lancet Public Health.

 

C’est une étude que liront peut-être les parlementaires amenés à discuter du projet de loi gouvernemental sur l’immigration. Une enquête qui torpille certaines idées reçues dans le domaine du sida et met en exergue la forte vulnérabilité des femmes africaines qui arrivent en France.

Elles représentent en effet 60 % des femmes ayant découvert leur séropositivité en France en 2014.

Des idées reçues démontées

Le fait n’est certes pas nouveau. Avec les homosexuels masculins, les migrants originaires d’Afrique sub-saharienne constituent le groupe le plus touché par le virus du sida aujourd’hui en France. Ce qui donne lieu à des idées reçues parfois très ancrées chez certains responsables politiques : la certitude d’une sorte de « migration thérapeutique » qui pousserait ces personnes à venir en France pour être soignées.

L’étude montre en fait une réalité bien plus nuancée. Dans plus d’un tiers des cas (30 %), ces femmes n’étaient pas contaminées avant leur arrivée en France. C’est, une fois sur place, qu’a eu lieu l’infection et, en général, au terme d’un parcours chaotique.

 

 

Un long parcours de violences

Pour ce travail, les deux chercheuses ont interrogé en 2012 et 2013 environ un millier de femmes : 573 étaient infectées et 407 ne l’étaient pas. « Le premier constat est que ces femmes ont été souvent exposées à ces violences, dans leur vie, que ce soit avant ou après leur migration », explique Julie Pannetier.

Des rapports forcés, au cours de la vie, ont ainsi été déclarés par 18 % des femmes non infectées et 24 % de celles qui vivent avec le virus. Mais l’étude s’intéresse aussi à ce qui s’est passé après leur arrivée : 15 % des femmes infectées en France déclarent y avoir subi des violences sexuelles.

Une sexualité « transactionnelle »

En se penchant sur leur parcours, les chercheurs ont établi que l’insécurité administrative (pas de titre de séjour) ou le fait de ne pas avoir de logement stable s’accompagne souvent de rapports non consentis. « Le fait d’être accueilli par des proches ou des connaissances expose à des violences ou à une sexualité « transactionnelle » pour obtenir une aide, de l’argent ou un hébergement », indique Julie Pannetier.

Autre constat : tant qu’elles n’ont pas de titre de séjour stable, ces femmes peuvent aussi « être contraintes d’avoir des partenaires multiples pour assurer leur survie ». « Les femmes, qui se retrouvent en situation de dépendance, peuvent être obligées de subir des rapports non consentis », indique l’étude.

Dans un éditorial et un commentaire, le Lancet Public Health constate que le déni des droits de ces femmes « à des conditions de vie normales est aussi un déni de leur droit à des vies sans violence et de leur droit à choisir avec qui elles veulent avoir des relations sexuelles ».

 

 

Sources : La Croix, Amnesty, Seronet

Leave a Comment